Le faire ou mourir / Claire-Lise Marguier. Le rouergue, 2014

Incompris, mal dans sa peau, ridiculisé, hyper sensible, ... Damien est un ado vulnérable.

S'il n'arrive pas à exprimer son malheur, le seul moyen qu'il ait trouvé pour l'évacuer et de s'entailler le corps. Des blessures profondes, pour laisser le sang s'échapper et la  douleur s'écouler.

Sa route va un jour croiser celle de Samy et de sa bande d'amis. 
Avec eux, Damien se sent bien. Pour une fois, il est écouté, aimé et protégé. Mais ces nouvelles fréquentations ne sont pas du goût de ses parents et pour arriver à grappiller quelques instants de bonheur, Damien va devoir continuer de subir humiliation, mépris et brutalité.

Dense et compact, ce livre est une explosion. Une explosion de colère, de peur, d'amour, de rage, de folie... Il y a toute la violence de la scarification, la rudesse d'un abruti de père mais heureusement aussi, une immense  histoire d'amour. 

Sans rien dévoiler de la fin, ce dénouement en deux temps fait monter la tension à son paroxysme et la dernière page se tourne avec un : " Chapeau, Madame Marguier, pour un premier roman, c'est un coup de maître". 

Puissant et révoltant. 

Quel talent !

Retrouvez l'avis 

de ma copinaute Sophie

Au secours, sortez moi de là ! / Ramadier et Bourgeau. Ecole des loisirs, 2016.

Et si on se mettait à parler avec un loup ? 

Vous savez, celui qui s'est laissé glisser au fond du trou pour manger un enfant qui y était tombé. 

Non, non, rassurez-vous il n'a pas croqué l'enfant qui a réussi à s'échapper par un tunnel. 

Mais le loup est bel et bien coincé et il voudrait bien de notre aide pour le sauver. 

Penchons un peu le livre de côté, secouons-le bien fort, inclinons-le encore, ... on va bien finir par y arriver, non ?

J'adore le concept de ce livre participatif qui interpelle le jeune lecteur et l'invite clairement à maîtriser la chute de l'histoire. 

Vraiment sympa comme idée ! 

Et avec des illustrations simples et colorées, une typographie bien marquée, les petits non pas fini d'en redemander ! 

Retrouvez l'avis 

de ma copinaute Sophie

Do la honte / Raphaëlle Frier. Rue du Monde, 2015

Dorian a honte.

Honte de sa misère sociale : la condition modeste de ses parents, les blocages psychologiques de son frère Kévin, mais surtout honte de sa mère vautrée sur le canapé sous sa couverture marron, qui passe sa journée à boire et à déprimer.

Dorian s'est construit des barrières pour ne jamais avoir à évoquer sa vie privée et pour l'essentiel, il a choisi d'être bon élève à la conduite irréprochable pour que personne n'ait un jour à rencontrer ses parents. Il baisse la tête et fait sa vie en toute discrétion pour ne pas se faire remarquer.

Mais tous ses murs s'effondrent le jour où un petit caïd du collège se met à le harceler.

Il est plutôt touchant Dorian : grand dans sa tête et petit dans son coeur, courageux et triste à la fois.

De sa vie minable, il voudrait changer la donne. Et sans qu'il s'y attende la lueur d'espoir viendra de sa mère, celle qu'il ne peut définitivement pas haïr.

Un roman court pour un texte juste, qui montre la vie dans toute sa réalité.

C'est aussi ça, la société ...

Le garçon qui savait tout / Loïc Le Borgne. Syros, 2015

Au cours d'une partie de pêche, Malo fait la connaissance de Jehan, un garçon, tout droit sorti d'une faille temporelle, qui arrive directement du futur.

A l'inverse du jeune ado, Jehan est un individu hyper connecté. Son corps est truffé de nanocapteurs, qui lui permettent d'intercepter une multitudes d'informations  de ses condisciples. Cette hyper connexion intrigue et intéresse Malo d'autant qu'il reste le seul ado à ne pas posséder de portable !

Evidemment, au coeur de ce roman, l'auteur s'attache à nous montrer le revers de la médaille, les effets défavorables  de cette sur-information (un esprit continuellement sollicité, un cerveau saturé, une vie privée perceptible par tous...) et l'on comprend bien alors la position de Jehan, qui avec quelques amis résistants, revendiquent le droit à la déconnexion. Curieux, Malo va toutefois franchir le pas et traverser la faille temporelle...

Ce court roman offre une réflexion judicieuse  sur l'évolution et l'usage des technologies dans nos sociétés. L'idée est plutôt bonne et le récit assez vivant même si la thématique ne semble pas "révolutionnaire". 

Des références au Livre de la jungle, des péripéties qui ponctuent l'aventure, une prise de conscience des dérives occasionnés par un monde trop connecté, ... une lecture efficace et rapide qui séduira sûrement les ados en quête de roman d'anticipation.

Sauveur & fils, Saison 1 / Marie-Aude Murail, EDL, 2016

Cette première saison de Sauveur & Fils est très prometteuse. 

Pour la majeure partie du roman, quasi en huis clos,  nous assistons au défilé des consultations du psychologue Sauveur Saint-Yves. Mais nous ne sommes pas les seuls ; car son fils Lazare, caché derrière le rideau de la porte qui mène à leur domicile, écoute aussi attentivement chacun des patients. Alors que l'on suit avec attachement le parcours de chacun d'eux, c'est la propre vie et les secrets de familles de Sauveur qui se dévoilent au fur et à mesure. Des secrets qui se trouvent de l'autre côté de l'océan, en Martinique... 

Marie-Aude Murail a le talent de traiter à la fois finement et avec beaucoup d'humour, tout ce que la vie a de plus moche : la pédophilie, la scarification, la dépression, la séparation, le racisme... Alors forcément, on cueille avec beaucoup de retenue toutes ces confidences de consultations. Et au milieu de tout ces gens, il y a Sauveur, qui a force de vouloir sauver le monde oublie de s'occuper du sien,... et il y a  Lazare, petit bonhomme intelligent et attendrissant qui garde un certain optimisme et une naïveté enfantine qui font du bien.

Bref, Marie-Aude Murail, nous parle d'humains et elle en parle plutôt bien ! Avec bienveillance et attendrissement, elle nous met face au miroir, comme pour mieux s'interroger nous-même.

Une lecture réjouissante pour une série qui s'annonce l'être tout autant !

Retrouvez l'avis de mes copinautes

Pépita et Céline

Twist again / Sylvie Allouche. Syros, 2016

Twist et Mourad se sont levés tôt ce matin-là pour assister à la destruction de la barre d'immeubles. Twist a particulièrement espéré que Sophie les rejoindrait et qu'il pourrait immortaliser l'instant avec son appareil photo. Mais Sophie n'est pas venue et dans le désordre poussiéreux, Twist a perdu son appareil photo. Alors, contrarié, quand il a trouvé une arme dans les décombres, il a fait le mauvais choix : il l'a glissé dans sa poche. Mais quand le corps inanimé de Sophie est retrouvé, Twist est le premier suspect et le commissaire Haroun n'a pas fini d'enquêter !

Trafic de drogue, famille démunie, rivalité, religion, femme battue, chantage, errance... la Cité des fleurs est ébranlée.

Pas de grande surprise du côté de l'enquête dont la résolution se devine, Sylvie Allouche s'attache plutôt à décrire la cité et ses multiples facettes. Des portraits réalistes d'une micro-société entre animosité, agressivité, ... mais aussi amitié et solidarité.

La traque parisienne ne me parait pas indispensable tant les événements au coeur de la Cité se suffisent.

Une histoire de société, une histoire d'amitié.

La Cité des fleurs, les jumeaux Bruno et Ben, 

le commissaire Hanoun  étaient déjà les héros de Brothers

Le gâteau perché tout là haut / Susanne Straber. Tourbillon, 2015

Il y a la maison. 
Il y a un gâteau posé sur le rebord de la fenêtre tout là haut.
Et il y a l'oiseau.

Arrive l'ours, qui aimerait bien aussi goûter du gâteau.... bien trop haut. 

Puis le cochon, le chien, le lapin, la poule et la grenouille. Les gourmands ont alors vite fait de s'entraider pour arriver ... tout en haut.

Mais si près du but .... envolé le gâteau !

S'appuyant sur une construction en randonnée, cet album a vite fait de trouver son succès.

Des pages cartonnées, un texte tout en sonorité, des illustrations épurées, un revirement de situation ... et hop! le tour est joué.

Sans oublier, un message porté sur la générosité.
Et pendant la lecture ...ne pas oublier d'observer le petit oiseau sur son fil perché !

Les petits bouts vont adorer.

Retrouvez l'avis 

de ma copinaute Sophie

Jan / Claudine Desmarteau. Thierry Magnier, 2016

Quel sacré caractère, Jan ! 

Une gamine pas plus haute que 3 pommes, mais qui du haut de ses 11 ans a déjà une personnalité bien trempée et des idées bien arrêtées. Dés sa naissance, elle est née avec les poings serrés et pas question pour elle de se laisser marcher sur les pieds ! Elle a du caractère la demoiselle, elle est sacrément désarmante, mais elle a surtout la force de croire que tout peut s'améliorer.

Il faut dire que sa vie n'est pas bien rose et qu'elle se retrouve bien désarmée devant les enguelades de ses parents quand son père rentre à  la maison avec quelques verres de trop dans le nez.

Et puis il y a son petit frère, celui qu'elle veut préserver de la violence du quotidien et qui en retour lui offre toute sa douce naïveté.

Arrive le jour de trop, celui où papa rentre bien amoché et où maman claque la porte. Tout s'embraye alors très vite, les services sociaux, le foyer, la famille d'accueil, la séparation de la fratrie ... Mais Jan a une idole : Antoine Doinel le héros des 400 coups de  François Truffaut et comme lui, elle croit que tout est possible, qu'au bout  du chemin il y a la mer, comme le signe d'un nouveau départ.

Jan c'est une gamine pleine de tripes qui nous apprivoise dés le début : son langage insouciant, sa révolte sauvage, ses espoirs enfantins et cette énergie tourbillonnante qui nous renvoie en plein visage l'incroyable réalisme d'une société.

Jan, c'est une échappée belle, une volonté de fer .. tout en tendresse. 

Comment ne pourrait-on pas s'attacher à cette gamine insoumise ? Alors, on tourne les pages avidement, on avale le bouquin et on cautionne cette aventure jusqu'aux derniers mots.

Un lueur d'espoir, un très beau roman.

Retrouvez l'avis de ma copinaute 

Céline du Tiroir à histoires

Histoire du garçon qui courait après son chien qui courait après sa balle / Hervé Giraud. Thierry Magnier; 2016

Hervé Giraud a toujours l'art de nous interpeler avec des personnages vibrants et terriblement vivants.

Ici le jeune ado-narrateur nous parle a la première personne de sa relation fusionnelle avec sa soeur jumelle, Cali. Leur univers est comme une bulle : ils ont leur propre langage, leurs rituels, leurs secrets.. et seul leur chien Rubens arrive à s'immiscer dans ce monde. Mais un jour, le dalmatien disparait et Cali tombe gravement malade. Coïncidence ? Pour le narrateur cela ne fait aucun doute : s'il retrouve le chien, sa soeur guérira.

Un roman bien plus complexe que ne le laisse sous entendre le résumé et la légèreté du titre. On y trouve une étrange naïveté, mais aussi une profonde quête métaphorique et le mélange des deux pourrait dérouter. 

Et pourtant non ! Il faut aller jusqu'au bout de sa lecture pour se laisser envahir par cette fin remarquable et lumineuse.

Habituée de l'écriture d'Hervé Giraud, j'ai reconnu son ton percutant, son ironie cinglante et cette douce amertume qu'il manie si bien pour parler d'un sujet périlleux en restant toujours sur le fil du rasoir.

L'amour, la maladie : une bouleversante tranche de vie !

Retrouvez l'avis 

de ma copinaute Pepita

Le secret / Emilie Vast. Editions MeMo, 2015

Allons faire un tour dans la forêt ...
Le secret de Renarde est tellement brûlant qu'elle ne peut pas se retenir de le glisser dans l'oreille de Lapin, qui ne résiste pas longtemps avant de le dire à Libellule, qui le trouve tellement formidable qu'elle se hâte de le dire à Ecureuil ... et ainsi de suite jusqu'au Cerf, qui veut s'assurer de la véracité de ce secret auprès de Renarde. 
Mais le temps a passé et le secret n'en est plus vraiment un ...

Il y a toujours dans l'oeuvre d'Emilie Vast une invitation à la contemplation de la nature, comme un émerveillement enfantin sur ce qui nous entoure et que l'on oublie de regarder.

L'auteur y ajoute aussi graphiquement cette touche de raffinement et de tendresse qui magnifie une simple histoire en une véritable oeuvre naturaliste.

J'ai donc entre les mains, un texte empreint de poésie, des illustrations remarquables (j'aime bien leur petit côté rétro !) pour un  album de qualité que je trouve particulièrement élégant.

Les fragiles / Cécile Roumiguière. Sarbacane, 2016

Il y a des gamins qui commencent dans la vie avec les mauvaises cartes en mains.

Andrew fait parti de ceux-là.

Comment faire ?

Comment faire pour avancer dans la vie quand la figure paternelle est violente, raciste, méprisante ... et que sa mère est trop jeune et trop paumée ?

Comment faire quand les reproches deviennent de plus en plus fréquents car Drew ne correspond pas aux attentes de son père. Trop doué à l'école, pas assez sportif, pas assez viril.

Comment ne pas s'enfoncer dans le mutisme et la mutilation ? 

Comment sortir de cette spirale infernale ? 

Il y bien la belle et jeune Sky, mais elle est si indomptable ! 

Si le drame final est annoncé dés les premières lignes, il nous hante au fil des pages alors que Cécile Roumiguière s'applique à remonter le fil du temps jusqu'au jour où tout à basculé.

Une histoire au sujet complexe et lourd, où chaque personnage apparaît dans toute sa vulnérabilité.

Un roman qui s'appuie sur la réalité d'une société sans céder à la facilité.

Mais au fond, une histoire d'amour brut qui laisse en chacun de nous une certaine amertume et un immense fragilité.

La croix du sud / Claude Carré. Auzou, 2015

Quand on est ado de métropole, vivant seul avec sa mère depuis ses 6 ans et que nous tombe dessus un départ précipité direction l'Afrique pour rejoindre son père, il y a comme un moment de crainte, de refus et d'incompréhension.

Retrouver son père archéologue, en quête de squelette de dinosaures en plein désert du Sahara, très peu pour Greg !

Mais les retrouvailles prennent rapidement un virage inattendu. Par la force des chose, Greg va bien devoir s'inspirer de la vie des nomades s'il veut sauver sa peau et celle de son père.

Il m'a bien plu Greg, il est plutôt crédible dans sa façon d'être, son discours, sa pudeur et ses priorités.

Si bien sûr son aventure lui permet de renouer avec son père, elle est aussi un imprévisible voyage initiatique. 

Mêlant habilement connaissances culturelles africaines et fiction, Claude Carré nous offre, avec ce roman, un agréable moment de lecture.