31 juil. 2016

L'arbre et le fruit de Jean-François Chabas. Gallimard, 2015



Derrière la façade d'une famille harmonieuse et d’un couple sans histoire – lui notaire et elle océanologue -  il y a l'enfer.


L’enfer …que nous décrit Grâce, la mère : les coups portés, les humiliations verbales, la honte, la culpabilité, l’enfermement… jusqu’à la détresse psychiatrique. Hospitalisée, on  la voit petit à petit perdre toute son intelligence et toute sa dignité.


L’enfer …dont nous parle Esther, l’aînée des enfants : l’horreur, la peur, la faiblesse, le rejet, la douleur, la laideur du monde, … tout en cherchant la faille pour se rebeller.


L’enfer ... de cette mère et de sa fille dont les témoignages se croisent, dont les voix se complètent sans jamais s’unir.


Un roman à la fois dramatique et effrayant qui évoque l’essentiel, décortique les sentiments, ose la bienveillance et panse des plaies sans jamais réellement les guérir.


Un livre intime, intense  mais sans fatalité. 

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28 juil. 2016

Tant d'étoiles dans la nuit de Charlotte Bousquet. Rageot, 2016

Alors que son corps vient d'être découvert inerte dans une cabane sur la plage, les témoignages de l'entourage de Jace D., jeune star du rock,  se suivent comme pour remonter le temps et découvrir l'auteur et les raisons qui ont poussé à cet acte, très vite assimilé à un guet-apens.

On découvre alors le passé difficile et parfois sulfureux de Jace, son enfance pas simple, l'emprise de son succès, ses diverses conquêtes, le revers de la notoriété, ses abus, son auto destruction, ..
A son chevet à l'hôpital, se succèdent tout son entourage, tous ceux qui ont été dans son ombre et/ou dans sa lumière et sont tout autant de suspects potentiels.
Chacun construit petit à petit le puzzle qui nous ouvre plus de clairvoyance sur le personnage et l'intrigue.
Ce n'est pas seulement roman sombre que nous offre Charlotte Bousquet mais aussi une écriture travaillée et poétique avec en filigrane des références au plus célèbre des textes de Lewis Caroll, qui interpellent, forcément ..
Jusqu'à la révélation finale, le doute persiste.. on suppose, on envisage, on doute... et toute la force de ce roman tient dans ses pages finales que l'on a hâte d'avaler.

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26 juil. 2016

Mon chat boudin de Christine Roussey. De la Martinière jeunesse, 2015



Boudin est un chat … en forme de boudin.
Bien gros, le poil bien épais, toujours à flemmarder et roupiller ; il adore être câliné.
Mais le mercredi, pas le temps de se laisser aller, il y a activité judo, piscine, yoga… et même tricot péruvien. 
Mais peu importe pour Boudin qui va, s’en le vouloir, stopper net la course effrénée  et laisser place à l’oisiveté. 
Quel plaisir de redécouvrir le temps qui passe, le  bonheur de ne rien faire, d’écouter le clapotis de l’eau, de s’amuser d’un rien, de s’empiffrer de groseilles … de savourer des instants en toute complicité.
 
Avec Chat Boudin, on réapprend à apprécier et à s’émerveiller. Et par les temps présents, dans nos emplois du temps surchargés, c’est pas une mauvaise idée ! 


J’adore la fraîcheur de cet album, à la fois enfantin, facétieux et tout en tendresse, il se savoure à chaque instant.

24 juil. 2016

Une petite chose sans importance : chroniques lunaires d'un garçon bizarre de Catherine Fradier. Au diable vauvert, 2016

Parce qu'il est atteint du syndrome d'Asperger, parce qu'il porte un regard décalé sur tout ce qui l'entoure, parce qu'il éprouve le besoin de donner son avis chaque fois qu'on ne lui demande pas, parce qu'il a besoin de rituels pour se rassurer...Sacha a l'art de décontenancer tout le monde. 
Déscolarisé depuis ses 11 ans, il suit sa mère, médecin humanitaire, lors de ses déplacements en Afrique où elle vient en aide à des enfants soldats.
C'est en ex-République démocratique du Congo qu'il va faire la connaissance de Destinée et qu'il va être embarqué dans une aventure invraisemblable. Rapidement dépassés par les événements, les deux ados vont tout de même aller au bout de leur entreprise. Leur amitié atypique va passer bien au dessus des préjugés pour laisser place à de l'entraide et de la complémentarité.

Par son aspect hyper documenté et les thèmes forts qui sont abordés, on prend plaisir à lire ce roman.
L'aventure périlleuse et l'écriture exigeante demandent parfois  beaucoup de concentration, mais le lecteur a entre les mains un roman qui se démarque, une belle aventure humaine de deux ados unis, malgré leur différence. 

21 juil. 2016

Nous sommes ceux du refuge de Delphine Laurent. Oskar, 2016

Un jour Lucie Arlaud a mystérieusement  disparu...
Dans sa famille hyper catholique, la fugue de cette ado plutôt sérieuse est incompréhensible.
L'inspecteur Muller quant à lui n'accepterait pas d'échouer dans cette enquête qui lui rappelle une douloureuse affaire.
Seul le lecteur, grâce à un jeu d'alternance des chapitres, sait que Lucie, vit dans un monde sous terrain parallèle où une véritable société est établie. Parmi des hommes et des femmes, elle découvre la tolérance, le respect, l'honnêteté, l'amour... alors qu'elle souffre d'avoir était trahie.
Seul dilemme pour elle, elle a 20 jours pour décider si elle préfère rester dans ce Refuge ou retourner auprès des siens.
Le mélange d'aventure surnaturelle et d'enquête policière est franchement bien menée ; Delphine Laurent arrive à nous captiver de bout en bout. Elle sait montrer les enjeux, les failles, la complexité de chaque monde, tout en introduisant des rebondissements. Elle campe aussi des personnages terriblement vivants qui nous touchent tous par leur caractère et leur histoire personnelle.
On passe vraiment un bon moment de lecture en appréciant l'originalité de ce roman et l'imagination foisonnante de l'auteur.
Une belle découverte !

(Et au passage, je souligne une couverture particulièrement réussie).


19 juil. 2016

J'aime pas les clowns de Vincent Cuvellier et Rémi Courgeon. Gallimard, 2015

Elle est magnifique cette histoire ; l'histoire que raconte cette grand-mère à "son grand". 
Elle non plus, elle n'aimait pas les clowns, ..avant..., 
Mais aujourd'hui elle est prête à tout dévoiler ; à raconter à son petit fils cette longue histoire ; cette histoire personnelle qui est la sienne, et qui va devenir la leur.
Alors sur le chemin vers le grand chapiteau, d'un pas décidé, sur un ton enjoué, elle se lance dans un monologue confident. 
Sa façon d'interpeller son compagnon, d'entrecouper sa conversation, de laisser place au spectacle, d'utiliser un vocabulaire commun, de naviguer entre présent et passé, de ne pas être trop démonstrative... donne une force encore plus intime au récit qu'elle souhaite transmettre.
Il y a finalement toute une retenue, toute une tendresse sous-entendue dans cette conversation. 

Par une métaphore remarquable, par des illustrations et un jeu de couleur parfaitement maîtrisé, Vincent Cuvelier et Rémi Courgeon réussissent un tour de maître épatant et nous offre un magnifique album exigeant et intelligent. 
Un album qui, sans trop en dire en offre beaucoup, à la fois touchant, comme le clown blanc et souriant comme l'auguste...


17 juil. 2016

La porte de la salle de bain de Sandrine Beau. Talents Hauts, 2016

Aucun doute, l'explicite de l'image de couverture et la clarté du titre annoncent que le texte de Sandrine Beau va à l'essentiel.
Mia est une jeune ado ravie de voir son corps changer. Impatiente, elle guette tous les jours la naissance de sa poitrine. Ce qu'elle n'avait pas imaginé par contre, c'est le regard des autres sur sa métamorphose et notamment l'insistance de son beau-père. 
Le passage à la salle de bain devient une véritable angoisse : il ouvre la porte, éloigne la serviette mise à disposition, attend, lorgne...
La présence intrusive est de plus en plus systématique, le malaise de plus en plus pesant sans que Mia n'arrive à le dénoncer.
Elle use alors de stratégies pour ne plus se doucher chez elle et avant que tout cela n'empire, arrive à trouver la confidente évidente qui pourra l'aider
Tout aurait pu déraper, et pourtant Sandrine Beau traite le sujet avec ce qu'il faut de justesse pour ne pas tomber dans le sordide. Nous pourrions tous être Mia (ou Mio) ; la voix de cette ado sonne juste et nous questionne sur la réalité de certains regards trop appuyés et de cette indispensable pudeur à l'approche de la puberté. 
Comme une sonnette d'alarme, ce livre est à accompagner et à mettre dans les mains de tous, enfants, ados et parents,...juste par nécessité.

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14 juil. 2016

Les petits orages de Marie Chartre. EDL, 2016

Des orages qui zèbrent le ciel accompagnent le parcours de Moses. 
Le premier a éclaté le jour de l'accident, un autre lors de son RV de contrôle à l'hôpital et d'autres le suivent à distance sur la route qui le mène vers son apaisement.
Des orages qui grondent comme la colère profonde de Moses : cette douleur qu'il n'arrive pas à exprimer ; cette douleur bien plus mentale que physique
Et puis, il y a Ratso, indien de la tribu de Pine Ridge qui, par son énergie et sa brutalité parfois sans concession,  va bousculer Moses mais réussir à éloigner les orages. 
A bord d'une Volvo déglinguée, ces deux là ont un bout de route à faire ensemble. Un périple à réaliser pour aller a bout d'eux mêmes et arriver à mettre des mots sur leur vérité.
Il est touchant ce roman, à la fois plein de gravité et d'agilité.
Il nous embarque dans un voyage  rédempteur et nous fait garder les pieds sur terre ; bien ancrés dans la réalité d'une vie à reconstruire après un drame.
On y parle aussi de balançoire, de parentalité, de famille d'accueil... on traverse des plaines américaines on découvre une réserve d'indiens, ...et la plume délicate et littéraire de Marie Chartres nous embarque vers un ailleurs plein de sensibilité; un ailleurs où l'on découvre "la capacité à créer de la beauté à partir du désespoir."

Superbe !

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de ma copinaute Pépita

12 juil. 2016

Rebelle au bois charmant de Claire Clément et Karine Bernadou. Milan, 2016

Doigt dans le nez, vautrée sur le canapé, Rebelle est vraiment aux antipodes de l'image idéale de la jeune et jolie jeune fille. Elle veut pouvoir faire ce qu'elle veut, quand elle veut et comme elle veut ; même se baigner tout habillée ou lâcher des insultes quand elle est énervée ! Elle veut être libre, seule et indépendante. 
Et pourtant tous les jours, elle ne cesse d'être courtisée.
Alors pour se débarrasser de tous les prétendants, Rebelle utilise et abuse de subterfuges pour gagner en tranquilité ! 
Mais la vie passe et l'ennui commence à se faire sentir. Quoi de mieux alors pour Rebelle que de rencontrer Gaston ! Un jeune homme un peu comme elle, qui aime faire comme il l'entend, sans s'embarrasser
Avec un peu de concession de part et et d'autre, ces deux là finiront peut-être par se comprendre ...  

Une parodie de conte plutôt amusante, loin des convenances et plutôt émancipée.
Agrémentée d'illustrations bien caricaturées, cette histoire pleine d'humour devrait séduire plus d'un jeune lecteur !

10 juil. 2016

Le caméléon et les fourmis blanches d'Emmanuel Bourdier. La joie de lire, 2015

Alors que la rentrée approche, Casimir Feugnard, enseignant de CE2 manque d'enthousiasme. Préoccupé par un célibat qui lui pèse, il est encore plus désabusé quand il apprend qu'il comptera parmi les élèves de sa classe Issa, un jeune malien sans papier, difficile à apprivoiser.
Mais le jour où les gendarmes sont prêts à renvoyer le jeune ado dans son pays, l'enseignant se retrouve contraint de l'héberger chez lui. 
Si les premiers jours sont difficiles - Issa se mure dans le silence et Casimir met du temps à accepter sa présence- les deux hommes vont finir par partager de beaux moment ensemble.
Le roman alterne les points de vue de chacun des protagonistes comme pour tisser petit à petit un lien invisible au premier abord.
Un roman court où deux mondes se rencontrent et où se mêle  à la fois une histoire d'adulte et une histoire d'ado. 
Un roman où un petit animal sauvage, arrive à se rendre invisible aux yeux des autres, et où une fourmi blanche ose sortir de la troupe.
Mais un roman terriblement d'actualité qui questionne sur le rôle des enseignants et surtout l'accueil des migrants. 
Une écriture très poétique, une métaphore qui tient ses promesses jusqu'au bout... une belle rencontre, un livre pour tous.

7 juil. 2016

Le complexe du papillon d' Anne-Lise Heurtier. Casterman, 2016

C'est avec légèreté qu'Anne-Lise Heurtier nous présente Mathilde, fille d'agriculteurs, ado de 14 ans, vivant dans la campagne périgourdine. On est bien avec elle, elle est plutôt sportive, sympa et ses copines aussi. Mais sous ce tableau se cachent des souffrances : des parents trop occupés par leur activité professionnelle, le décès récent d'une grand-mère à qui elle était très attachée et un complexe naissant sur son corps. D'un simple petit régime, pour pouvoir rentrer dans une robe, Mathilde va alors glisser inévitablement vers de l'anorexie mentale. Tout devient trop strict, trop pesé, trop rigidifié, et après le plaisir de voir son corps changer, les complications ne tardent pas à arriver. 
Anne -Lise Heurtier, métamorphosant l'image de la chenille et du papillon, traduit parfaitement bien l'inconscience de la jeune fille qui ne se sent pas déraper, qui n'a pas conscience de sa fragilité et qui ne comprend pas l'aide apportée. 
Un beau roman à message, sans jugement aucun, qui pousse le lecteur à réfléchir sur les dictats extérieurs qui mènent parfois dans des engrenages dont il est bien difficile de se séparer.
Un roman court, mais qui avec justesse et délicatesse, en dit bien assez pour que le lecteur soit touché.
Un regard nécessaire.

5 juil. 2016

De maman en maman d'Emilie Vast. Editions MeMo, 2016

L'idée est tout simplement évidente : sur chaque page une poupée russe qui donne naissance sur la page suivante à une autre poupée russe. 
Tout cela pour expliquer que si on est là aujourd'hui, la maman de la maman de la maman de ma maman à donner naissance à la maman de la maman de ma maman .. et ainsi de suite. 
De génération en génération, de la plus grande à la plus petite, les mamans se suivent, se ressemblent, se différencient ...  pour mieux nous faire comprendre la notion de filiation.
Le texte se lit comme un comptine et les illustrations d'Emilie Vast, toujours aussi botaniques,  ravissent par leur finesse et leur symétrie.

Voilà un joli tout cartonné qui propose une mise en abîme ludique pour expliquer la conception, l'identité et l'héritage familial, tout simplement. 
Quelle belle idée, il suffisait d'y penser !

3 juil. 2016

La fée des maaamouls de Jean-François Chabas. Magnard, 2016

Imaginez, trois générations de femme sous le même toit. Il y a la grand-mère, sa culture orientale, sa gourmandise et sa grande maîtrise des maamouls (petits gâteaux libanais). Il y a la mère, femme active et autoritaire et enfin, il y a Razane, 12 ans, tempérament de tigresse.
L'ambiance dans l'appartement est plutôt explosive et les disputes fréquentes. 
Un jour, alors que Razane se lance dans la confection des célèbres maamouls de sa grand-mère, elle se permet "d'améliorer" la recette. Coup de génie, qui lui permet de voir apparaître Nissou la fée des maamouls, prête à exaucer un voeu pour la jeune fille. Razane doit toutefois calmer son caractère pour voir se réaliser son souhait.

Que dire de ce livre ? C'est un divertissement ensoleillé et plein de vitamines : le ton est enlevé, l'écriture est vive, le lexique libanais dépaysant, l'histoire loufoque, les personnages détonnants... Mais malgré tout, j'ai été perturbée par le message  de fond ; cet appât du gain permanent et le mensonge récurrent.
J'ai souri j'ai ri, mais le tempérament et l'attitude matérialiste de Razane m'ont vraiment dérangés.
Dommage !
Bon, ben sinon, ça donne quand même envie de goûter à un délicieux maamoul !


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ma copinaute Bouma