Révoltées de Carol Trébor. Rageot, 2017

Russie, Octobre 1917. 
En plein coeur de la Révolution, Léna participe à l'insurrection alors que sa soeur jumelle, Tatiana,  trouve sa place auprès d'une troupe de théâtre.
Voilà deux héroïnes très engagées qui nous plongent, le temps d'une semaine, dans l'agitation d'un pays meurtri qui cherche sa reconstruction. Dans ce contexte particulier, certains ont choisi leur camp et défendent leurs idéaux, armes au poing directement derrière les barricades, d'autres participent à leur façon à la Révolution en  protégeant les familles, en cachant des informations...

Le lecteur vit vraiment cette contestation de l'intérieur : la débandade et l'inexistence du pouvoir, les petits et grands traffics, les traques, les dénonciations, ... Carol Trébor, historienne d'origine,  n'a rien omis de cette période qu'elle nous raconte avec beaucoup de détails.

Un roman vraiment d'intérêt mémorable, largement complété par toute une partie documentaire qui nous apprend la réelle existence de ces deux femmes russes qui ont su prendre leur destin en main.

Un roman succinct et surtout assez intense qui forme un tout très cohérent mais très exigeant sur ses propres connaissances.

Trois filles en colère d'Isabelle Pandazopoulos. Gallimard, 2017

Elles sont trois, jeunes filles, (presque) libres, à nous raconter l'Europe qui souffre à l'aube de mai 68. 
Suzanne, Magda et Cléoména partagent avec nous un mur à Berlin qui empêche les familles de se retrouver, une dictature en Grèce qu'il faut fuir et un vent de rebellion qui commence à souffler au coeur des étudiants parisiens.

Le livre d'Isabelle Pandazopoulos c'est comme une valise ouverte, trouvée au fond du grenier. Une valise remplie de lettres échangées entre les trois jeunes filles, mais aussi avec différents membres de leurs familles. On y retrouve leurs espoirs, leurs fous rires, leurs projets, leur indépendance, leur rage... toutes leurs émotions condensées en quelques lignes. 
Dans cette valise se cache un véritable tournant décisif de leur vie, alors que dans un monde coincé, elles se libèrent, contre toute attente, en passant à l'action. 

Par le choix du style épistolaire, mais aussi sûrement parce que le livre est ponctué de photographies, d'articles de presse ...ces destins entremêlés nous paraissent terriblement vivants. On vibre dans une atmosphère historique un peu particulière, on frémit de certaines injustices, on tremble devant leur résistance, on découvre un terrible secret de famille et on se réjouit de leur émancipation.

Un livre passionnant et passionné qui nous parle d'hier mais aussi immanquablement un peu d'aujourd'hui !

Alice, qui aime leur désobéissance...
           et les livres d'Isabelle Pandazopoulos

La trouille de Julia Billet. Le calicot, 2017

Après 10 moins d'enfermement en prison, c'est l'heure de la sortie. Pas un moment attendu, pas un moment de joie, mais un moment d'appréhension et de peur. 
10 mois, c'est long ... La cellule était devenue son repère, et son quotidien était réglé comme du papier à musique. Que va-t-il se passer dehors ? Comment va t-il retrouver sa mère, son copain Fred et la belle Elina ? 
Dehors, il y a trop d'espace, trop de chemins possibles, tout un monde qui a continué de tourner sans lui.

Avant de passer la porte vers ce nouvel inconnu, il va partir en montagne avec d'autres détenus, un guide, un maton et un agent de probation. C'est là qu'il va se préparer à  réapprendre le silence, la beauté, l'immensité ... pour que tout soit possible par la suite.

Il est délicat ce moment où l'on passe la porte d'une prison pour en sortir, ce moment où la liberté est inquiétante et où l'on n'imaginait pas la joie céder la place à la trouille.

S'il fallait une démonstration de la nécessité d'accompagner la réinsertion, ce texte court mais d'une grande humanité en serait l'exemple le plus efficace.

L'arbre aux crayons de Jeanne Taboni Misérazzi et Loen Bes. Bilboquet, 2016

Cet album est un conte.

Un conte qui se cache sous une illustration de couverture prometteuse où la symbolique se dévoile et où le coup de pinceau s'exprime tout en douceur.

Un conte qui démontre toute la force des crayons : celle de laisser libre court à l'imagination, de créer des univers poétiques, mais aussi celle de lutter contre la barbarie des hommes.

Il était une fois, un roi despotique vexé du manque d'intérêt que lui manifestaient ses sujets, trop occupés à dessiner. Quand on est un roi imbu de sa personne et de pouvoir, il ne reste plus qu'une solution : confisquer et détruire tous les crayons !

Ce qui ne changea rien de l'attitude de ses sujets qui, pire encore, se mirent à le détester !

Mais c'est souvent par la grâce et l'innocence d'un enfant que l'espoir renaît et c'est la force d'un arbre qui va l'aider à ranimer la flamme dans le royaume.

Derrière cette histoire on devine la volonté des auteurs de nous interpeller sur la censure et le droit d'expression, un sujet brûlant d'actualité.
Avec justesse, sans fioriture et juste un petit peu de magie, le pari est réussi.

Souvenez-vous, un très bel album reçu lors de notre swap d'été

Retrouvez l'avis de ma copinaute Céline,

Rebelle au bois charmant de Claire Clément et Karine Bernadou. Milan, 2016

Doigt dans le nez, vautrée sur le canapé, Rebelle est vraiment aux antipodes de l'image idéale de la jeune et jolie jeune fille. Elle veut pouvoir faire ce qu'elle veut, quand elle veut et comme elle veut ; même se baigner tout habillée ou lâcher des insultes quand elle est énervée ! Elle veut être libre, seule et indépendante. 

Et pourtant tous les jours, elle ne cesse d'être courtisée.

Alors pour se débarrasser de tous les prétendants, Rebelle utilise et abuse de subterfuges pour gagner en tranquilité ! 

Mais la vie passe et l'ennui commence à se faire sentir. Quoi de mieux alors pour Rebelle que de rencontrer Gaston ! Un jeune homme un peu comme elle, qui aime faire comme il l'entend, sans s'embarrasser

Avec un peu de concession de part et et d'autre, ces deux là finiront peut-être par se comprendre ...  

Une parodie de conte plutôt amusante, loin des convenances et plutôt émancipée.

Agrémentée d'illustrations bien caricaturées, cette histoire pleine d'humour devrait séduire plus d'un jeune lecteur !

Le seul et l'unique Yvan / Katherine Applegate. Seuil, 2015.

Ivan est un singe résigné. 

Un "dos argenté" qui a passé toute sa vie derrière la vitre d'une cage malpropre dans une ménagerie d'un centre commercial. Si au début sa présence a attiré les foules, aujourd'hui l'ambiance est glauque, le public a déserté le lieu, l'entretien n'est pas parfait.

La vie d'Yvan se résume aux longues journées partagées avec Stella, une éléphante blessée à la patte et Bob, le chien errant : un triste trio d'infortunés !

Puis arrive Ruby, un jeune éléphanteau que les anciens vont prendre sous leur aile en essayant de lui offrir un avenir relativement meilleur.

Un roman très accessible sur la maltraitance animale et plus largement une réflexion sur le rôle de l'Homme.
Pourtant, il n'y a pas de culpabilité, pas de rancoeur, et bien au contraire Ivan nous transmet de forts  messages sur l'amitié et l'humanité.

Finalement, malgré une petite appréhension, un texte qui a pas mal de profondeur, une histoire qui se dévore par sa justesse et sa sensibilité ; et pour moi, une étonnante surprise. 

Yellow yellow / Frank Asch et Mark Alan Stamaty. Actes Sud, 2015.

Un étonnant album où l'on sent dés la première page une rébellion persistante.

Des personnages dingues, un brin contestataires ; une esthétique quelque peu agressive ; un détournement de codes et une graphisme qui ose la dérision.

Dans cet univers grouillant, marche, d'une attitude sereine, un jeune ado à la liberté étonnante. Au cours de sa promenade, au milieu d'un bric à brac, il trouve un truc jaune qu'il pose sur sa tête. D'un seul coup alors, son visage s'illumine.

Pas grand chose dans cette histoire, peu de texte et un déroulé linéaire. Et pourtant, on reste scotché, obnubilé par cet univers qui occupe toute la place, qui foisonne de détails, qui regorge de merveilleux et qui nous emporte dans un univers qui laisse la part belle à l'imaginaire.

Autant de fois, on ouvre ce livre et on en tourne les pages, autant de fois on découvre  un élément particulier jusqu'alors noyé dans l'ensemble.

Et cette pointe de jaune qui nous suit de page en page jusqu'à l'occuper dans son entièreté !
 

Pas étonnant que cet album est été épuisé à sa sortie en 1971, mais qu'elle bonne idée de le réédité cette année ! Il porte quelque chose en lui de tellement riche et détonant .

Un petit côté punk qui m'a bien séduite.

Merci Bouma pour cette découverte lors de notre swap evasion

Retrouvez l'avis de mes copinautes

du Tiroir à histoires et de Meli Melo de livres

1, 2, 3, soleil ! / Gaétan Dorémus. Autrement, 2015

 

Ils sont 3 : un ours, un crocodile, un cochon. Quand on les superposent, ils se confondent. Tous différents et tous identiques.

Leur point commun : ils en ont tous ASSEZ !

Assez de leur quotidien organisé, de leur vie bien rangée et des a priori tellement ancrés.

Leur objectif : tous trois rêvent de tout envoyer balader, de donner un autre sens à leur existence et de faire confiance à l'inconnu.

Ca tombe bien, les voilà par hasard réunis devant un bateau qui cherche des propriétaires en mal d'aventures.

Alors, en route ! San aucun doute.
 

Par un subtil jeu de couleur Gaétan Dorémus oppose et réunit ces 3 personnages et nous participons, d'un coup de crayonné rapide et vif, en seulement quelque pages, à leur cri de liberté, à leur envie d'évasion et avec eux nous prenons le large.
 

Promesse d'un joli voyage, ce petit album qui ne paye pas de mine est la démonstration pertinente du sens de la vie.

 

Merci Bouma pour cette découverte lors de notre Swap Evasion !

 

Retrouvez l'avis de ma copinaute Pépita

Coeur de brindille / Yves-Marie Robin. Sarbacane, 2015

Dans les 4 murs de sa cité, Lolita, est comme un oiseau en cage. Entre un père parti, une mère alcoolique et un grand frère derrière les barreaux, cette Brindille laisse parler sa rage et son envie de liberté.

Son rève le plus fou est de partir retrouver son grand-frère à Marseille, comme si lui seul pouvait l'entendre et la comprendre.

Quand l'irrésistible saltimbanque Diego, s'installe avec son cirque près de chez elle, sa fuite devient alors réalité.

Une jeune mineur en cavale, entre les mains de gens de la balle, il n'en faut pas plus pour alerter les services sociaux, la gendarmerie et le professeur de français de Lolita, étonnament attaché à la jeune fille.

D'aventure en aventure, les contre-temps qui parsèment la fuite des 2 jeunes gens peuvent paraitre parfois un peu "too much" ou parachutés.

Mais pour autant, cette histoire nous présente des personnages trés attachants : à commencer par Brindille, mais aussi son frère, le grand-père de Diego ou encore Freddy, le codétenu. Chacun a son histoire, son univers et la volonté d'y croire fort.

Malgré quelques imperfections dans le contenu, cette histoire, sans apitoiement, nous offre un vrai souffle de liberté, de générosité et d'entraide.

Une lecture sympathique.

" La  vie des gens. Tout de qu'ils cachent comme trésors !"

Highline / Charlotte Erlih. Actes Sud, 2015

Côté pile ou côté face ?

Un simple  pari et c'est lui, le narrateur anonyme, qui est désigné pour traverser d'un immeuble à un autre, à 100 mètres de haut sur un fil de 6 cm.

Il est là, seul, sans filet,  avec ses pensées, ses doutes, ses questions, sa motivation et sa liberté aussi.

Tout autour de lui, le vide.

Et dans sa tête, des questions qui résonnent et une obligation de concentration pour réussir l'épreuve.

Une épreuve personnelle, symbole de sa  quête d'identité et de son chemin vers l'avenir.

Franchir le pas, aller de l'avant...

 

Trembler avec ce funambule sur sa slackline, avancer, ne pas se retourner, déraper, craindre, espérer, ...et ne fermer le livre qu'une fois la dernière page tournée.

 

Une nouvelle fois la collection d'Une seule fois me séduit et réussit son pari : "Un texte d'un seul souffle. Un texte à dire, à partager avec soi et avec le monde."

Sauvage / Emily Hughes. Autrement, 2015.

J'adore cette jolie petite bouille rieuse avec ses cheveux en vrac et ses deux grosses billes bien rondes qui nous fixent dés la couverture.

On a tout de suite envie de la suivre et de l'adopter, cette petite sauvageonne !

Une enfance dans la forêt, élevée et aimée par les animaux, elle a appris à parler, pêcher, s'amuser, à vivre dans une ambiance joyeuse et insouciante.

Tout se passait bien, jusqu'à ce qu'un couple d'humain l'embarque dans sa voiture. Tout est alors devenu gris, son sourire a disparu, ...et elle n'a rien fait pour se plier aux règles de sa nouvelle vie.

Aaaahh qu'est ce qu'on l'aime cette petite rebelle avec sa grosse colère et son envie de liberté !

Le thème de l'enfant sauvage confronté aux codes de la civilisation peut paraitre classique et pourtant, une nouvelle fois, il fonctionne bien.

Un texte court, des illustrations grouillantes, des personnages expressifs et on se laisse encore surprendre par tant d'humour sur fond de débat philosophique : finalement, qui est le plus libre ? Qui est le plus heureux ?
...

Un album réjouissant !

 

Retrouvez aussi l'avis de mes copinautes
Chlop, Sophie et Céline

Le monde t'appartient / Riccardo Bozzi et Olimpia Zagnoli. Grasset, 2014

Il suffit parfois de presque rien.

De quelques formes géométriques, de couleurs franches se détachant sur fond généralement blanc, d'illustrations aux formes simplifiées et dénuées de tout détail, ... pour s'inscrire dans le monde et trouver sa place.

Puis quelques mots simples complètent l'idée induite par l'illustration, et alors l'enfant lecteur, directement interpellé, est amené à réfléchir, à s'interroger. Il comprend ses droits, découvre les limites, sait qu'il peut réussir ou échouer, accepte que tout ne soit pas toujours facile et est amené à prendre sa part de responsabilité. Mais quoi qu'il arrive, l'enfant est placé au cœur de sa  vie et de ses envies. Il est invité à trouver jusqu'où peut aller son autonomie et son affranchissement.

 

Que de belle manière cet album nous enseigne la liberté ! Un joli pari tenu et réussi pour l'auteur et l'illustratrice qui en quelques traits et peu de mots posent un concept universel, trop souvent négligé.

Un moment de lecture tout en douceur que l'on a envie de chuchoter ; que l'on a envie de contempler, ... juste pour le faire durer.

Retrouver l'avis de mes copinautes Sophie,
 Pépita et  Colette

Le silence des oiseaux / Dorothée Piatek. Seuil, 2014

Après avoir été trimbalé entre plusieurs familles d'accueil, Marcel se retrouve dans un Centre d'éducation surveillée à Belle- Ile-en-Mer ; un établissement censé le remettre dans le droit chemin et lui offrir un métier.

Mais Marcel n'a pas réellement besoin d'être cadré. Marcel n'est pas un délinquant. Marcel a juste besoin d'amour. Et ce n'est pas dans cet établissement que ses blessures pourront se réparer.

Loin de la terre ferme, comme des dizaines de jeunes ados avec lui, Marcel est victime de maltraitance, de martèlement psychologique et d'abus en tous genres.

Mais Marcel, complètement brisé par des années d'enfermement, lutte encore, ne veut pas sombrer, se rebelle, se bat, soutient les plus vulnérables et espère en secret s'échapper.

Dorothée Piatek nous touche par son récit librement inspiré par la réalité : l'établissement de Belle-Ile ayant été actif de 1880 à 1977.
Son récit vif, saccadé est régulièrement parsemé de poèmes qui s'insèrent complètement dans l'histoire et lui donne une résonnance contemporaine.

Un récit-documentaire poignant, pas si loin de nous en réalité.

Un roman intelligent pour lutter contre l'amnésie de l'Histoire.